Remise des 12e Trophées des Français de l’étranger au Quai d’Orsay: l’alumni Johanna Levy, lauréate 2024 du trophée parrainé par l’AEFE
Publié le 22/03/2024
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Mise en lumière d'initiatives remarquables
Dans les prestigieux salons de réception du Quai d’Orsay le 19 mars 2024, se tenait la 12e cérémonie des Trophées des Français de l'étranger. Près de 300 personnes y ont assisté, parmi lesquels de nombreux membres de l'Assemblée des Français de l'Étranger qui tenait sa 40e session à Paris du 18 au 23 mars 2024.
Hôte de la cérémonie, Franck Riester, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité, de la Francophonie et des Français de l’étranger, a rendu hommage aux six lauréats mis à l'honneur : « Vous avez chacun et chacune participé au rayonnement de la France et incarné, à votre manière l’idéal français, dans ce qu’il a de plus universel et humaniste. Vous êtes les relais précieux de notre influence. »
Maître de la cérémonie dont il est l’initiateur, Hervé Heyraud, président-fondateur du PetitJournal.com, a rapporté qu’on lui avait récemment demandé de résumer en trois mots ce que représente les Trophées. Il avait répondu « excellence, résilience et passion ».
Excellence : « Tous nos lauréats ont des parcours d’excellence. Ce sont des gens qui ont brillamment réussi même si, parfois, leurs projets sont encore jeunes. Ils ont eu de bonnes idées, le courage et l’envie de porter leurs projets et de les faire grandir. »
Résilience : « C’est déjà difficile de porter un projet, c’est souvent encore plus difficile quand on est à l’étranger, d’avoir à évoluer dans un autre environnement que le sien, de sortir de sa zone de confort. C’est ce que les lauréats ont dû faire. Cela les a conduits à être inventifs, en prenant le meilleur de leur pays d’accueil et de leur culture française. »
Passion : « Ce sont tous et toutes des passionnés, généreux. Ce sont des gens qui pensent aux autres, qui rendent, qui donnent beaucoup, qui ont des projets durables, éthiques, qui ont une responsabilité sociale, environnementale, qui sont à la fois dans l’air du temps et portés vers l’avenir. »
Le Trophée Alumni des lycées français du monde remis à Johanna Levy par la directrice générale de lʼAEFE
Claudia Scherer-Effosse, directrice générale de l’AEFE, a remis le trophée « Alumni des lycées français du monde », qui existe depuis 2017 et qui est le seul des trophées pouvant être décerné sans critère de nationalité, à une personne française ou non française dont l’action se déploie à l’étranger.
Mme Scherer-Effosse a chaleureusement félicité la lauréate Johanna Levy, ancienne élève du Lycée français international de Tokyo établie à Bangkok, qui met toute son énergie à aider les réfugiés en Thaïlande. « Je vous souhaite de poursuivre avec la même détermination ce magnifique engagement, qui est un exemple pour l'ensemble des alumni des lycées français du monde. » lui a-t-elle dit, faisant d'ailleurs remarquer que les anciens élèves issus de l’enseignement français à l’étranger sont au nombre d'environ 600 000, qu'ils sont établis partout dans le monde et qu'ils gardent souvent des liens indéfectibles avec leurs anciens lycées.
« Vous serez partie prenante au Forum mondial des alumni qui aura lieu du 24 au 26 mai à Bruxelles et j'en suis heureuse. Cet événement est co-organisé avec l'association mondiale des alumni, l'Union-ALFM, dont je salue le président, M. Ahmed Mernissi, ici présent. » a poursuivi la directrice générale de l'AEFE.
Portrait vidéo de Johanna Levy par France 24
Entretien avec Johanna Levy pour aefe.fr
Quel souvenir gardez-vous de vos années de scolarité au Lycée français international de Tokyo ?
Je garde un souvenir incroyable de mes quatre années au sein du Lycée français international de Tokyo (LFIT). Il s’agissait de mes années de collège, de 1990 à 1994. Des années marquées par la découverte d’un pays, le Japon, devenu ma seconde maison, un pays dans lequel je reviens toujours avec une profonde émotion. Ce passage au LFJT a vraiment été une parenthèse enchantée dans ma vie, une période vraiment formidable.
En quoi cette expérience a-t-telle compté pour vous ?
Ces quatre années ont été le début de mon ouverture sur l’Asie. J’ai pu apprendre une nouvelle langue, forger des amitiés qui demeurent aujourd’hui. Cette expérience a fondé mon parcours professionnel et personnel très international. Ces années ont été très riches pour ma construction personnelle.
Quel choix avez-vous fait et pourquoi pour la scolarité de vos enfants à Bangkok où vous résidez ?
J’ai tout naturellement fait le choix de scolariser mes enfants au Lycée français international de Bangkok à notre arrivée en Thaïlande en 2015. Mes enfants étaient âgés de 4 et 7 ans. Ils y sont désormais scolarisés depuis neuf ans. Je voulais qu’ils puissent avoir la même expérience que moi, évoluer dans un environnement international tout en bénéficiant de la qualité du système français.
Est-ce que vous aviez déjà cultivé votre sens de l’engagement lorsque vous étiez élève ?
Lorsque j’étais élève je n’ai pas eu l’occasion de m’engager dans des œuvres caritatives mais j’ai été élevée dans des valeurs de partage et d’ouverture aux autres.
En 2015, vous avez ressenti un véritable électrochoc, un très fort sentiment d’injustice, en visitant un centre de détention pour réfugiés en Thaïlande. Comment êtes-vous passée de l’émotion à la volonté de faire quelque chose et par quoi avez-vous commencé ?
Découvrir la situation des réfugiés dans le centre de détention de Bangkok m’a profondément bouleversée et j’ai tout de suite agit en leur venant en aide par des visites hebdomadaires avec d’autres bénévoles. Nous leur apportions de la nourriture et un réconfort moral. Puis j’ai commencé à rendre visite aux femmes et enfants qui vivaient à l’extérieur et à découvrir leur situation tout aussi difficile. J’ai étendu mon aide à ces personnes vulnérables.
Mon action s’est accélérée lorsque j’ai commencé, avec l’aide d’une avocate thaïlandaise, à travailler pour la libération d’un groupe de réfugiés détenus depuis plusieurs années. Nous avons réussi à les faire libérer et puis tout s’est enchainé : de nombreuses personnes m’ont sollicitée pour les aider à sortir des centres. Avec d’autres bénévoles, nous avons levé des fonds et commencer à payer la caution de libération de femmes puis d’hommes. Nous en sommes à soixante-dix libérations et nous continuons nos actions en collaboration avec d’autres ONG dont le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
En 2022, vous fondez avec deux amies Hope Bangkok. Comment est né ce projet ? Quelle est sa finalité ?
En 2022, avec deux autres bénévoles, une Française, Servane Ternynck Pierre, et une Espagnole, Isabel Centelles Roca, nous avons décidé de créer une marque de sacs et accessoires pour pouvoir lever davantage de fonds. Hope-Bangkok a donc été lancé. Nos produits ont rapidement connu un engouement auprès des expatriées et nous avons développé la marque avec d’autre bénévoles en créant toujours plus de produits dont la vente nous sert à financer nos projets pour venir en aide aux réfugiés : libération du centre détention, nourriture, loyers, frais médicaux, frais scolarité, etc.
Quelle équipe avez-vous constituée ?
Notre équipe est constituée de femmes, toutes bénévoles, pour la plupart rencontrées lors des visites dans le centre de détention. Au total, il y a sept nationalités différentes (argentine, canadienne, espagnole, française, indienne, irakienne, japonaise, suisse) et nous partageons toutes la même détermination et les mêmes valeurs.
Si vous deviez-faire un bilan d’étape de votre projet, quelles en seraient les grandes lignes ?
Nous avons commencé par des visites au centre de détention puis élargi notre action en aidant les réfugiés vivant à Bangkok. Pour avoir des ressources régulières, nous avons créé une marque, Hope-Bangkok, et la totalité des bénéfices des ventes est consacrée aux réfugiés. Le projet comprend un volet formation. Nous formons les femmes à la couture. Cela les rend plus autonomes et leur permet d’acquérir des compétences qu’elles pourront utiliser dans le futur.
Que représente le trophée Alumni des lycées français du monde pour vous ?
Une grande fierté. C’est une grande chance d’avoir pu fréquenter le Lycée français de Tokyo à un jeune âge. Cela m’a ouvert des opportunités. C’est une expérience qui a contribué à forger mon regard sur le monde, à développer une ouverture d’esprit, disposition qui m’a amenée aux actions humanitaires qui me valent ce trophée aujourd’hui.
Je suis très reconnaissante à l’AEFE, aux membres du jury et au Petit Journal.com d’avoir été sensibles à mon parcours et aux actions que nous menons avec l’équipe Hope-Bangkok. C’est une belle reconnaissance de tout ce travail effectué un peu dans l’ombre durant ces neuf dernières années.
Vous allez faire une intervention lors du prochain FOMA (Forum mondial des alumni de l’enseignement français à l’étranger, 24-26 mai à Bruxelles). En avant-première, pouvez-vous nous dire ce que vous avez envie de faire passer comme message ?
Fréquenter une école à l’étranger et être exposé à une diversité culturelle enrichit et sensibilise aux réalités du monde.
Il est important que les écoles françaises à l’étranger mettent en œuvre des actions éducatives qui encouragent les élèves à l’engagement humanitaire avec des initiatives de sensibilisation aux droits de l’homme, à la durabilité environnementale, etc. En cultivant la responsabilité sociale et l’empathie dans les écoles, on contribue à éduquer des citoyens engagés, conscients de leur impact positif sur le monde qui les entoure.
Lors du FOMA, j’encouragerai vivement les alumni des écoles françaises à continuer de promouvoir les valeurs humanitaires de la France et de s’engager dans des actions qui améliorent les conditions de vie des communautés locales, partout dans le monde.
Les six lauréats 2024 et leurs organismes parrains
- Océane Sorel, virologue établie aux États-Unis, créatrice de contenus ludiques de vulgarisation scientifique en ligne (The French Virologist) : prix du Public, parrainé par la Banque Transatlantique
- Nicolas Laporte, astrophysicien établi au Royaume-Uni, engagé dans des actions de partage des savoirs, notamment auprès d'enfants malvoyants : trophée Éducation, parrainé par le CNED
- Chloé Vialard, avocate établie à Singapour, co-fondatrice du Support Centre for women victims of violence : trophée Humanitaire, parrainé par la Caisse des Français de l'étranger (CFE)
- Cécil Moroni, humoriste établie en Norvège : trophée Culture / Art de vivre, parrainé par MisterFly
- Johanna Levy, co-fondatrice de l'ONG Hope-Bangkok, œuvrant pour la cause des réfugiés en Thaïlande : trophée Alumni des lycées français du monde, parrainé par l’AEFE
- Benjamine Oberoi, fondatrice et co-présidente d'Objectif France Inde, qui œuvre en Inde du Sud à l'autonomisation de femmes cultivatrices : trophée Impact social, parrainé par Malakoff Humanis